Mon nom est Musique… c’est ainsi que j’ai nommé ce texte soumis au Concours International des Jeunes Desjardins de 1978-79, sur le thème “Vivre la musique”. La chance voulut que je devienne la gagnante provinciale. C’était peut-être un peu prétentieux pour une ado de 16 ans en 1978 d’approcher l’histoire de la musique en quelques lignes seulement. Peut-être qu’un jour je retoucherai ce texte pour lui donner un peu de maturité.


Nombre de participants au Concours International des Jeunes Desjardins au cours des années 1978 à 1985
Voici donc “Mon nom est musique…”
Mon nom est Musique, la mystérieuse, la capricieuse. Je suis volage, l’ensorcelante gitane, et l’ange céleste. Si parfois je semble venir de l’infini, c’est que je suis la fille d’un souffle de vent, créée par besoin, le jour de l’imagination.

Des côtes abruptes de la Gaspésie aux plus hauts sommets des Alpes, mes yeux ont fait pleurer les cœurs tendres, mon corps, valser les fiers-à-bras. Je suis née dans un cœur d’homme comme sous une feuille de chou, faisant jaillir un arc-en-ciel de sentiments. Homme, tu seras l’artiste.
Un son, une note, une voix; me voilà partie pour l’éternité. Seul le bras d’un silence peut m’obliger à m’arrêter quelques temps. Chaque fois que je reviens dans la danse, je suis plus vivante, plus vraie.
Un jour, grossièrement, ma vie a commencée. Au fond d’une caverne, un homme, dans un élan de joie s’est mis à frapper un bout de bois contre une pierre, sur un rythme saccadé, mais significatif. Entre ses mains, sans le savoir, je faisais mes premiers pas.
Par la suite, on m’a donné une voix. Douce, chaude et mélodieuse, elle se confondait aux nuances célestes. je pouvais endormir le mal d’une simple mélodie, ensorceler une bête enragée par la majesté d’un chant.

Comme je grandissait, je dus apprendre à manipuler des objets. En peu de temps, les cordes des cithares et des guitares se sont mises à vibrer sous mes doigts. J’aimais caresser les doux cheveux de la harpe, qui savait me répondre si gentiment. J’ai appris à connaître la flûte et ses sœurs.
Quand j’eus atteint un certain âge, le jeu entra dans ma vie. J’inventais des histoires, des légendes. Je m’identifiais à des pays, à de nouveaux horizons. Un malheur devenait complainte; une joie, rigodon. Mes pieds s’enivraient des rythmes ensorceleurs de l’accordéon, de l’harmonica ou du violon. J’avais descendu les marches pour me mettre au niveau du peuple, pour me faire plus d’amis avec qui jouer. Je les rassemble le soir autour d’un feu de bois. Comme des romanichels, nous faisions la fête. Par le fait-même, je devenais plus que moi. J’avais presque oublié le temps des grandioses symphonies et de la musique de chambre; il me fallait maintenant plus de rythmes, j’avais envie de bouger.

Au cours d’un voyage au sud des États-Unis, je trouvai le remède qu’il me fallait: un mélange exotique de nouveautés et de sentiments. Le rythme était bon, les mélodies envoûtantes. Les chants et les refrains n’avaient qu’un cri: Liberté! J’avais fait naître le jazz… les blues montaient du fond de mon coeur pour entreprendre l’ascension du palmarès. Par le jazz, je faisais enfin connaître au monde des misères, ma révolte et mes malheurs. Au travers des notes aiguës d’un saxophone ou d’une trompette, je m’extériorisais. Chaque nuit ma vie commençait comme une bougie que l’on allume le soir venu, et se terminait à l’aube, enflammée des notes de la pleureuse trompette de jazz. Je ressentais, je vivais la misère et la faiblesse d’un peuple écrasé, révolté, d’un peuple à mon image.
Mon adolescence qui criait: Liberté!, s’est enfin vue réalisée. Je suis devenue plus libre, je suis devenue free jazz. Les crescendos, les decrescendos, les nuances se mélangeaient en moi. La souffrance côtoyait l’amour. Mon cœur en était tout bouleversé, mais j’étais libre. Entre les mains de l’artiste, je devenais ce que j’avais voulu être, free jazz. Je pénétrais les gens, me faisant connaître et leur faisant découvrir l’homme qui était mon instrument.

Lorsque j’eus dit tout ce que j’avais à dire, je me suis tu quelques temps, mais l’envie de bouger m’est revenue comme un chat que l’on chasse. Ma vie n’aurait pas pu être pleine si je n’avais pas couronné le roi de mon cœur. Par la voix et le charme d’un Elvis Presley, j’ai conquis les jeunes. Je lui ai donné le rock, j’en ai fait le “king”, j’ai construit un rythme à l’image de la jeunesse que j’étais en train de vivre, à l’image de la jeunesse américaine.
Une fois de plus, ma vie s’est vue transformée. Ils avaient les guitares électriques, les rythmes , la voix d’un nouveau rock. Dans ces années folles, j’avais atteint mon apogée. Mon union avec les Beattles déplaçait des foules.
Les années du rock m’ont par la suite, conduite à une sorte de drogue, de défoulement: le disco. La fièvre du samedi soir m’avait rongé les os. J’étais totalement intoxiquée. Les discothèques, c’était ma drogue, la drogue qui me permettait de répandre ma folie. Le roi du rock m’a quittée; il me fallait quelque chose pour oublier ou pour revivre la belle époque.
Je me suis toujours gardé un côté western, populaire ou romantique pour que l’on sache pas que je suis intoxiquée, un peu pour dissimuler ma folie qui a commencé le jour où le jazz à pris ma vie, a fait de moi une esclave. Je ne crois pas qu’une cure puisse me redonner la raison. Je n’ai qu’à attendre, attendre demain…

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Le Concours International des Jeunes m’a permis de vivre de très belles expériences, la plus grande d’entre elles a été de me faire découvrir et aimer les voyages. On m’a offert le privilège de visiter l’Allemagne, l’Autriche, la France et l’Italie en compagnie de jeunes de ces différents pays. C’était une graine plantée dans mon esprit curieux et aventurier.
